Gueule d’amour oblige, il était écrit que tôt ou tard Sacha serait appelé à montrer sa frimousse au cinéma et la télévision. En plus de cinquante ans de carrière, quelques films et des dizaines de shows télévisés jalonnent le parcours de celui qui deviendra dans les années soixante l’incarnation même de la décontraction et une icône de l’élégance française.
Sacha Distel est avant tout un homme de music hall, un musicien, presqu’un enfant de la balle. Le cinéma était pour lui un art apprêté loin de la spontanéité qu’il affectionne par dessus tout. La télévision va lui donner la possibilité de faire se rencontrer les deux personnages qu’il a en lui : le musicien et le saltimbanque.
Retour historique ludique : la première rencontre entre Maritie, Gilbert Carpentier et Sacha a lieu sur les plateaux de RTL. Sacha est alors guitariste. Celui de Greco. Guitariste ? Sans doute un peu plus, au vu du regard que jettera Juliette à la productrice qui, au sujet de cette rencontre écrira des années plus tard dans son livre de mémoires : « (…) Je revois surtout son guitariste. Quel beau visage, quels yeux, quel sourire. Je ne sais ni qui il est ni d’où il vient comme chantait Piaf (…) »
Les Carpentier sont passés de la radio au petit écran et Sacha du statut de -brillant-guitariste à celui de -grande-vedette. Entre temps, ils ont parfois collaboré ensemble sur les ondes radios à la fabrication de show à l’atmosphère prometteuse. Au retour d’un voyage aux USA, Maritie et Gilbert décident de faire pour la France un ‘Show à l’Américaine’ ; entendez par là un spectacle filmé avec nœuds pap’, smoking, humour, duos inédits, sketches, danseurs et tout le tralala. Bonne idée mais qui peut être le Dean Martin français : Un artiste capable de chanter, danser, tenir une émission, ayant, si possible, une belle ‘gueule’ et surtout de la répartie ? Sacha !
La première bouture de ce qui va devenir une émission culte va se nommer « Guitare et copains », nom un tant soit peu ridicule mais, s’en défendront ses inventeurs, un « titre de travail ». Un brouillon quoi. En réalité, c’était avant tout celui d’une chanson de Paul Anka que Sacha venait d’adapter dans notre langue.
Ce titre, viendra un peu plus tard, soufflé par Maritie (toujours elle), parce qu’elle le trouvait « imprononçable et que de ce fait les gens feront un effort pour le mémoriser ». Elle avait raison. « Sacha Show », c’est une aventure comme aujourd’hui plus personne n’en tentera jamais. D’abord, il y a l’équipe. Autour d’un Sacha propulsé animateur vedette : Jean Pierre Cassel, danseur chic au charme et à l’humour courtois, Jean Yanne, trublion iconoclaste, enfin, Pétula Clark, ravissante et talentueuse chanteuse anglaise à l’irrésistible accent. Ensuite, il y a des duos. Et oui, la télé moderne n’a, à ce sujet, rien inventé. Chaque épisode du Sacha Show aura son lot de duos. Tous inédits, pour la plupart, composés et écrits par un certain… Serge Gainsbourg !
Derrière, le couple Carpentier, comprenez LA variété de trois décennies et puis aux manettes, l’historique réalisateur Georges Folgoas. Le tout, avec orchestre. Et en direct !
Une décennie de télévision populaire, de qualité, et surtout jamais bégueule. Tous y passeront : de Johnny (l’ami) à Sardou en passant par Mireille, Sylvie, Aldo, Mort Shuman et tous les autres… « Sacha Show » va demeurer pendant plus d’une dizaine d’années (jusqu’au milieu des années 70) l’un des spectacles télés préférés des Français. Stand up comedy avant l’heure, fausses interviewes, sketches, duos exceptionnels et exclusifs (on se souvient avec délectation de Dalida en chorus avec Aldo Maccione ou de Sacha faisant chanter pour la première fois Isabelle Adjani !) le « Sacha Show » révolutionne alors tranquillement la télé de divertissement tout en contribuant largement à la notoriété d’innombrables artistes.
En 1970, le succès de Sacha outre-manche pousse la BBC, la première chaîne de télévision anglaise à demander au plus sexy des chanteurs français de bien vouloir animer un show. Aux USA, Sacha aura aussi ses propres émissions où il saura jouer à satiété de son élégance naturelle.
Enfin, dans les années 80, TF1 demande à Sacha d’animer pendant une saison « La belle vie », une émission de divertissement largement inspirée du mythique « Sacha Show ». La boucle télévisuelle était bouclée.
L’histoire retiendra que c’est dès 1952 et là encore sous l’égide de « Tonton Ray » que Sacha fait sa première prestation devant une caméra. Il signe une petite apparition dans un film du réalisateur Jean Boyer qui connaît alors une certaine notoriété. Dans « Femmes de Paris », sur un scénario à moitié écrit par Ray Ventura et dont la musique est signée Paul Misraki, Sacha, tout juste sorti de l’adolescence, voisine le grand Michel Simon mais aussi quelques jeunes gens de sa génération eux aussi en quête de notoriété : Robert Lamoureux ou Roger Pierre et Jean-Marc Thibault. C’est ensuite plus sûrement au début des années soixante que Sacha, ayant fait sa place dans la chanson s’intéresse de nouveau au cinéma. Et par la grande porte : en 1960, il tient le premier rôle dans « Les Mordus » de René Jolivet. Un polar où il campe le personnage de Jean-Pierre Bernard, un évadé en cavale qui rentrera dans le droit chemin grâce à l’amour dévoué d’une employée des Postes jouée par Dannick Patisson. Il en profite aussi pour signer la musique du film.
Sacha fait aussi une petite apparition dans le célèbre « Zazie dans le métro » de Louis malle aux côtés de Catherine Demongeot, Philippe Noiret et Annie Fratellini. Petit à petit, Sacha s’inscrit dans le paysage cinématographique. L’année suivante, en marge d’une scène dans le classique « Aimez-vous Brahms » d’Anatole Litvak avec Ingrid Bergman, Yves Montand et Anthony Perkins, il signe « Marina » la musique de « L’orgueil » de Roger Vadim dans le film à sketches « Les sept pêchers capitaux ». Pour la petite histoire, « Marina », mise en parole et interprétée par Tony Bennet deviendra peu de temps après, un incontournable standard sous le titre « The good Life ». En français « La belle vie »…. Ça vous dit quelque chose ?
S‘il n’y avait pas eu la chanson, nul doute que Sacha, fan de jazz, aurait pris le tournant de la Nouvelle Vague alors naissante. Mais en ce début des années soixante, avec une notoriété déjà acquise et une image de chanteur populaire, Sacha va se tourner délibérément vers un cinéma de divertissement et participer à une série de films familiaux.
Il ensoleille guitare à la main « Nous irons à Deauville », une pochade de Francis Rigaud avec Michel Serrault et Louis de Funès dans les rôles principaux. Sacha joue ainsi les faire-valoir aux côtés de Claude Brasseur, Pascale Roberts et Jean Carmet, En 1963 avec la même bonne humeur, il campe Roger, un amant de Marie-Paule, Annie Girardot, joueuse invétérée dans « La bonne soupe » de Robert Thomas. L’année suivante, 1964, il participe avec Jean-Louis Trintignant, Francis Blanche, Darry Cowl, Marie-Josée Nat, Jean Poiret, Michel Serrault et une dizaine d’autres « guest stars » à la comédie chorale de Michel Drach « La bonne occase » qui connaît un succès retentissant. Ce film signera la fin de la première partie de la carrière cinématographique de Sacha qui, à cette époque, est trop accaparé par la chanson pour mener de front deux carrières simultanément.
Claude Lelouch, qui vient de laisser pour un temps l’élaboration de son cinéma vérité pour s’intéresser au film policier, convainc Sacha de revenir devant une caméra pour jouer … lui-même ! Typiquement du Lelouch ! Sacha Distel joue donc Sacha Distel dans « Le Voyou » aux côtés de Jean-Louis Trintignant, Danièle Delorme, Charles Gérard et d’Yves Robert. Mais c’est en 1971 que Sacha va jouer dans son meilleur film : « Sans mobile apparent » de Philippe Labro avec Jean-Louis Trintignant, Dominique Sanda, Jean-Pierre Marielle et Stéphane Audran. Il campe le personnage de Julien Sabirnou, star de la télévision et cible d’un tueur mystérieux. La mise scène à l’américaine, sèche et nerveuse de Labro fait du film un grand classique du polar français des années 70.
A cette période, Sacha est de nouveau confronté au dilemme du choix : le cinéma ou la chanson. Une nouvelle fois, il choisira de monter sur scène : l’Angleterre lui tend les bras.
Eric Jean Jean