Bercé par les accords des Collégiens, éduqué par les plus grands, poussé par Ray Ventura, Stan Getz, Django et bien d’autres, à la fin des années 50, il va devenir l’un des plus grands guitaristes de jazz français.
A n’importe quelle période de sa vie, qu’il soit au fait de sa gloire ou un peu plus en retrait, Sacha a vécu ce dont nous rêvons tous : sa passion. Une vie de musicien. Libre de plaquer des accords des nuits entières, retiré dans un club petit ou grand... Près, tout près de ceux qu’il considérait comme les meilleurs et les plus heureux des musiciens : les jazzmen. Il est écrit quelque part, qu’à ses amis ayant ‘mal tourné’, Barney Kessel disait toujours : « Quoi que tu fasses, tu seras toujours un jazzman ». Ce fut son cas.
Ray Ventura, pas encore aussi connu qu’il le deviendra, mais déjà féru de jazz. Sacha grandit en écoutant les collégiens répéter au dancing des Champs Elysées. Ce sera sans doute le point de départ. Important. Mais pas suffisant. Puis il y aura les leçons de piano imposées par sa mère, Andrée Ventura, petite sœur de Ray. Formation obligatoire bien que peu enthousiasmante. Plus rigolo, les leçons de guitare prodiguées par un jeune premier qui le prit sous son aile en lui apprenant au passage ses premiers accords : Henri Salvador. Dire que tout commence en un éclair serait par trop réducteur, néanmoins, il y eut un déclic, un vrai. Hiver 48. Ray, Paul Misraki et Bruno Coquatrix, conduisent le jeune Sacha, 15 ans, à l’Alhambra. Ce soir là, sur scène, Dizzie Gillespie. Sa vie va se jouer. Il sera musicien de jazz.
A 19, le meilleur. La suite se bâtira entre travail acharné, talent, volonté et rencontres opportunes. Les débuts à Paris, au Sully d’Auteuil dans l’orchestre d’Hubert Damisch, l’important voyage aux USA qui lui permet de rencontrer les maîtres Stan Getz et Jimmy Raney, les clubs miteux à respirer les talents. A s’en inspirer. Tenter de comprendre.
Le Bobby Jaspar All Stars , le quintette d’Hubert Fol, le Tabou… La Rive gauche. A ce moment de sa vie, Sacha est directeur des Editions DMF : la journée, il travaille. Dur. Mais dès les premiers réverbères allumés, direction Saint Germain, le swing et le Be bop. Les nuits se succèdent de bœufs en bœufs, chaque musicien américain de passage à Paris sait qu’auprès de Sacha, il trouvera toujours à jouer… 1956. Sacha est élu meilleur guitariste français par les lecteurs du magazine Jazz hot. Titre qu’il conservera 7 années de suite.
Alors qu’approche l’aube des années 60, Sacha lorgne de plus en plus vers la variété. Le jazz ne nourrit pas son homme, et plus que tout, il sait que s’il veut faire la carrière dont il rêve, la case chanteur est inévitable. 1957, il enregistre un premier 45 sous le label Versailles. Puis un deuxième : Les scoubidous. L’affaire est entendue.
Régulièrement, Sacha reviendra vers cette musique qui le fit tant vibrer. Notamment sur la fin de sa vie, où, n’ayant plus rien à prouver, il se permettra de remettre les pendules à l’heure. Entre temps, il y aura eu la carrière que l’on connaît et le fait qu’à chaque fois qu’il en aura l’occasion, il fera travailler en studio ses copains du jazz… Qui, bien que brillants, ne mangeaient pas tous les jours à leur faim. 29 avril 2004, trois mois avant de nous quitter, il montera une dernière fois sur scène. Et comme il n’y a pas de hasard, ce sera sur celle du Petit journal Montparnasse. Aux cotés de Biréli Lagrène, pour y jouer devinez quoi….
Eric Jean Jean